AGASA : Quand l’inertie administrative étouffe les élans de ceux qui agissent

Au cœur de l’actualité institutionnelle gabonaise, la récente sortie médiatique du Directeur général de l’Agence Gabonaise de Sécurité Alimentaire (AGASA), Dr Jean-Delors Biyogue Bi Ntougou, met en lumière plus qu’une simple divergence de vues au sommet d’une entité publique. Elle révèle les tensions profondes entre volonté d’agir sur le terrain et pesanteurs administratives paralysantes.

Cette situation interpelle, d’autant plus que certains cadres, dont le Directeur général adjoint (DGA), semblent incarner une volonté claire d’action au service de l’intérêt général, au prix parfois de leur propre stabilité professionnelle.

D’un côté, un DG qui revendique la pleine autonomie de son institution, au risque d’écarter tout mécanisme de contrôle ou d’encadrement institutionnel. De l’autre, un adjoint qui agit sur le terrain, applique les normes sanitaires, et semble s’exposer, par sa rigueur professionnelle, à une forme d’isolement hiérarchique.

Le paradoxe est flagrant. L’homme qui a signé un agrément sanitaire contesté tente aujourd’hui de désavouer celui qui en a révélé les dysfonctionnements. Un renversement des rôles inquiétant, où celui qui protège les consommateurs se retrouve ciblé, pendant que les responsabilités politiques et techniques sont diluées dans les discours.

Les propos tenus par le DG lors de sa conférence de presse laissent perplexes. Selon lui, il ne serait pas nécessaire de rendre publique la mauvaise qualité des produits alimentaires ou de l’eau consommée par les populations. Une position en contradiction totale avec l’essence même de la mission de l’AGASA.

À l’opposé, des agents sur le terrain souvent dans l’ombre, mènent des enquêtes, alertent, ferment des structures non conformes. Leur travail expose des pratiques dangereuses pour la santé publique. Pourtant, ces efforts se heurtent régulièrement à une culture de l’omerta et à des logiques de protection administrative, voire politique.

La situation du DGA n’est pas isolée. Plusieurs collaborateurs évoquent, en coulisse, un climat de frustration grandissante. Entre absence de reconnaissance, décisions centralisées sans consultation, et pressions politiques, les marges de manœuvre des professionnels honnêtes sont réduites.

On observe ainsi une fracture entre les intentions de la base et les priorités de la direction générale. Tandis que certains veulent alerter, réguler, et redonner confiance à la population, d’autres freinent, contrôlent l’information, ou se réfugient derrière des procédures mal comprises.

L’AGASA est une structure jeune, née d’un besoin réel, garantir la qualité sanitaire des produits consommés au Gabon. Mais elle semble aujourd’hui minée par des luttes de pouvoir, des conflits de compétences mal gérés, et un manque de pilotage stratégique clair.

Le cas du plan stratégique élaboré sans concertation, les déclarations maladroites sur la prétendue autonomie de l’agence, ou encore la gestion unilatérale de certaines décisions administratives, sont autant de signes d’un pilotage déconnecté du terrain et des réalités de la mission publique.

Au-delà du certains cas visibles, c’est la place des agents intègres dans les institutions publiques qui est questionnée. Un État de droit se mesure aussi à sa capacité de protéger ses fonctionnaires lorsqu’ils agissent dans le strict respect de l’intérêt général.

Les Gabonais ont le droit de savoir ce qu’ils consomment. Les agents publics, eux, doivent pouvoir travailler sans crainte de représailles internes, dès lors qu’ils agissent conformément à la loi et aux règlements sanitaires.

L’AGASA traverse une zone de turbulences, symptomatique de nombreuses structures publiques où les enjeux personnels prennent parfois le pas sur les obligations professionnelles. Il devient essentiel de renforcer la culture de la responsabilité et de l’éthique administrative, de protéger les voix qui agissent pour le bien commun, et de ramener le débat au cœur de ce qui compte réellement. La santé et la sécurité des citoyens.

Ce n’est qu’à cette condition que l’AGASA pourra redevenir un véritable rempart contre les dangers alimentaires et un outil crédible de régulation pour le pays.

Clemy

Please follow and like us:
Pin Share

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *