Il est un peu plus de 14h quand Joseph Lapensée Essingone entre dans la salle, Costume bleu, chemise blanche, ton calme, regard clair. Le silence se fait aussitôt. Les micros sont tendus, les caméras prêtes. Trois mois après une présidentielle tendue, l’ancien candidat revient. Non pas pour pleurer sa défaite, mais pour relancer le débat. Pour rallumer une flamme. Peut-être même pour lancer une révolution douce.
Le 12 avril, les urnes ont parlé. Brice Clotaire Oligui Nguema président. Alain-Claude Bilie-By-Nze deuxième. Lapensée Essingone, troisième. Beaucoup auraient tourné la page. Pas lui.
« Nous avons perdu une bataille, mais pas la guerre des idées », déclare-t-il d’une voix posée.
Et il égrène ce qu’il estime être les graines semées pendant sa campagne . La restauration de l’autorité de l’État, la natalité comme enjeu national, l’accès au logement, la promotion du sport, et même, surprise dans le paysage politique gabonais, la proposition d’une funion avec la Guinée équatoriale.
Des idées fortes, audacieuses, parfois provocantes. « Ce sont ces débats-là que nous avons imposés. Et nous continuerons à les porter », affirme-t-il, droit dans ses convictions.
La suite de son engagement porte un nom, l’Éveil de la pensée citoyenne. Une plate-forme. Un mouvement. Un appel.

Logo en main, slogan dévoilé, Lapensée Essingone parle d’un projet qui dépasse, les clans, les chapelles. Il s’adresse aux Gabonais déçus, aux jeunes sans voix, aux intellectuels fatigués d’être inaudibles. « La République, ce n’est pas un slogan. C’est un contrat moral entre un peuple et ses institutions », rappelle-t-il, comme pour réveiller les mémoires endormies. « Le peuple est souverain. Mais encore faut-il qu’il en soit conscient. »
Il tend la main, invite à rejoindre ce nouvel espace d’échange et de construction collective. Deux numéros sont disponibles : 062 01 71 59 / 077 90 80 53. Ce n’est pas un détail, c’est une invitation directe, personnelle.
Puis, vient le temps des vérités. Car Lapensée Essingone n’a pas traversé ces mois sans regarder autour de lui.
Sur le gouvernement ? « Rien d’étonnant. Le peuple a voté pour la continuité. Alors ce sont les mêmes, avec les mêmes méthodes. »
Sur la famille Bongo, discrètement partie à l’étranger ? Il hausse le ton. « Pas un mot de la justice gabonaise. Nous avons appris leur sortie grâce à l’Angola. Voilà où en est notre souveraineté. »
Sur l’île Mbanié, perdue dans une opacité troublante ? Il dénonce « la légèreté » de l’administration, l’absence de documents clés, une gestion d’amateur.
Sur la loi sur les partis ? Il défend la pluralité, refuse le financement tous azimuts, mais insiste « On ne peut pas confisquer le droit de se réunir et d’exister politiquement. »
Sur les redécoupages électoraux ? Il exige l’objectivité, pas la manipulation.
Et enfin, la plaie vive. Les déguerpissements à plaine Orety, derrière l’assemblée et derrière l’ambassade de Russie. Là, l’homme s’enflamme, quitte un instant sa posture de conférencier pour celle de citoyen.
« Dans ce pays, on peut bâtir une maison de cent millions de francs CFA, mais on ne trouve pas un seul mètre carré légal pour construire. Qui est fautif ? Le citoyen ou l’État ? »
Il réclame justice pour les familles chassées, un relogement digne, une indemnisation réelle. « Pas des miettes. Pas des promesses vides. »
Quand la conférence touche à sa fin, on sent qu’un chapitre vient de s’ouvrir. Il ne s’agit plus de Joseph Lapensée Essingone, candidat malheureux. Mais d’un homme debout, bien décidé à rester dans le paysage politique gabonais. À réveiller ce qu’il appelle la conscience citoyenne.
Pas de cri, pas de posture martiale. Juste une voix posée, mais ferme. Une présence tranquille, mais déterminée. Une main tendue, mais exigeante.
Et cette phrase, comme une promesse : « Ce pays n’a pas besoin d’un sauveur. Il a besoin de citoyens éveillés. »
Jean 1er
