Ce lundi 10 novembre, Libreville s’est réveillée sous un ciel lourd, comme pour annoncer le poids du moment. Dans la grande salle du palais de justice, les visages sont graves, les bancs bondés. Devant la foule silencieuse s’ouvre l’un des procès les plus attendus de l’histoire récente du pays, celui du clan Bongo, notamment de la « Young Team », ce cercle d’anciens proches de Noureddin Bongo Valentin, accusé d’avoir organisé un vaste détournement de ressources publiques.
Depuis l’aube, la capitale a pris des airs de ville sous surveillance. Forces spéciales de la sécurité pénitentiaire, gendarmes et policiers se sont postés autour du tribunal, verrouillant les accès comme pour contenir à la fois la foule et la colère.
À la barre, une dizaine d’hommes.
Ian Ngoulou, silhouette nerveuse, l’homme de tous les dossiers ; Abdul Oceni Ossa, bras droit présumé de Noureddin ; et Mvourandjami Cyriaque, autre figure clé du réseau et bien d’autres. Tous sont poursuivis pour des faits présumés de détournement de fonds publics, enrichissement illicite et association de malfaiteurs.
Mais certains sièges demeurent vides.
Sylvia Bongo Ondimba et son fils Noureddin, au cœur du dispositif présumé, seront jugés par contumace. Quant à Saliou Mohamed Ali, il est hospitalisé, victime d’un malaise, selon le tribunal.
Ce procès, prévu jusqu’au 15 novembre, dépasse largement les murs du palais de justice. Il résonne comme une épreuve morale pour une nation en quête de renaissance. Depuis le coup d’État du 30 août 2023, le général Brice Clotaire Oligui Nguema promet un « nettoyage en profondeur » des pratiques du passé. La « Young Team », incarnation des excès du régime Bongo, devient le symbole d’une justice appelée à faire ses preuves.
Dans les quartiers populaires, l’attente est empreinte de prudence.
« On veut des condamnations, pas des discours », glisse un habitant de Nzeng-Ayong. Les Gabonais, longtemps spectateurs d’un pouvoir sans contrepoids, guettent ce moment où l’État regardera enfin ses propres fautes en face.
Le verdict du 15 novembre dira si le pays referme véritablement un chapitre ou s’il en réécrit simplement les marges. Car au-delà des accusés, c’est tout un système que l’on juge. Une manière de gouverner, une mémoire à reconstruire et un avenir à réinventer.
Edouard Dure
