En se retirant avec fracas des élections législatives et locales, Joseph Lapensée Essingone, leader de l’Eveil de la Pensée Citoyenne (EPC), ne fait pas que tourner le dos aux urnes. Il accuse le système, dénonce une imposture démocratique, et choisit la résistance. Conviction sincère ou calcul stratégique pour conserver sa stature critique au sein de l’opposition ?
Ce 28 août, dans une salle comble de l’ABC Mall, la tension était palpable. Le ton était grave. Joseph Lapensée Essingone, figure emblématique de l’opposition gabonaise, a fait une annonce choc. Il ne participera pas aux prochaines élections législatives et locales.
» Les jeux sont faits« , affirme-t-il. Selon lui, le processus électoral est vidé de toute crédibilité. « Un simulacre démocratique orchestré pour légitimer un régime qui concentre tous les pouvoirs« , martèle-t-il. Pour le président de l’EPC, s’y engager, c’est servir d’alibi à une démocratie de façade.
Le constat est implacable. Pour Lapensée Essingone, le Parlement est devenu un décor sans substance, vidé de sa fonction de contre-pouvoir par des réformes constitutionnelles qui renforcent l’hyperprésidentialisme. Le gouvernement, dit-il, n’est plus responsable devant les élus du peuple, mais uniquement devant le chef de l’État.
« Nous sommes dans une dérive monarchique », assène-t-il. Une République seulement dans les textes. Une royauté dans les faits.
Sur les 100 jours d’Oligui Nguema, il donne un regard sévère. Le bilan provisoire du président Oligui Nguema est loin de convaincre Lapensée Essingone. Il y voit un fossé entre les promesses et la réalité. L’affaire de Lambaréné, symbole d’un État déconnecté des réalités locales. Des décisions sociales incomprises, Une diplomatie crispée, avec une crise mal gérée avec le Cameroun. Un recul pour la jeunesse, avec la suppression des bourses vers les États-Unis et le Canada dès 2026. Sans oublier les expulsions brutales à Libreville, l’absence de politique démographique, et une justice toujours jugée opaque et inégalitaire.
Lapensée Essingone l’assure, ce retrait n’est pas une démission, mais un refus de compromission. « Je ne serai pas l’otage volontaire d’un système que je combats« , clame-t-il.
À travers cet acte fort, il appelle à une refondation du système politique gabonais, à une mobilisation citoyenne authentique, hors des cadres électoraux qu’il juge pervertis.
Ce retrait marque-t-il un tournant dans l’engagement de Joseph Lapensée Essingone ? Certains y verront un choix de principe, une ligne droite dans un paysage politique souvent sinueux. D’autres y liront une posture tactique, destinée à conserver sa position critique, en marge d’un jeu électoral auquel il n’a jamais cru.
Qu’importe le prisme, son discours résonne comme un électrochoc, un appel à sortir des sentiers battus pour reconstruire la politique sur des bases nouvelles.
Edouard Dure