C’est une décision inédite, à la fois audacieuse et symbolique. L’Albanie fait entrer une intelligence artificielle au gouvernement. Une première mondiale annoncée par le Premier ministre Edi Rama, avec pour objectif de lutter contre la corruption dans les marchés publics.
Diella, c’est le nom de cette nouvelle « ministre » chargée des marchés publics. Mais Diella n’est ni une femme politique ni une technocrate. C’est une IA, choisie pour une mission que les gouvernements peinent à accomplir depuis des années.
Le secteur des marchés publics en Albanie est gangréné par les pots-de-vin, le favoritisme et les appels d’offres truqués. Le choix d’une IA s’explique par une volonté de neutralité et de transparence.
« Diella ne reçoit pas de cadeaux, ne fait pas de promesses, ne subit aucune pression politique », souligne Edi Rama.
Concrètement, elle évaluera les appels d’offres selon des critères fixes, transparents et immuables. Aucun passe-droit, aucune négligence. Un code éthique… codé.
Diella n’a pas surgi de nulle part. Elle a été lancée début 2025 comme assistante virtuelle sur e-Albania, la plateforme de services administratifs en ligne. En quelques mois, elle a traité plus de 36 000 documents numériques et facilité près de 1 000 démarches officielles. Son efficacité a renforcé la confiance du gouvernement, ouvrant la voie à une promotion sans précédent, celle d’une IA au rang de ministre.
Symboliquement, Diella est représentée par un avatar féminin vêtu d’un costume traditionnel albanais, un clin d’œil à la culture nationale. Mais derrière cette image folklorique se cache une mission bien réelle, superviser un portefeuille stratégique, gérer des millions d’euros de fonds publics, et attirer les meilleurs talents internationaux.
Cette nomination s’inscrit dans une stratégie plus large. LAlbanie vise l’adhésion à l’Union européenne d’ici 2030. Pour cela, elle doit faire la preuve d’une gouvernance plus transparente.
En 2024, le pays occupait la 80e place sur 180 au classement de Transparency International. Une amélioration, mais encore insuffisante. La désignation de Diella envoie un signal fort. L’Albanie mise sur la technologie pour rétablir la confiance dans ses institutions.
Sauf que quelques interrogations s’imposent. Peut-on confier un portefeuille ministériel à une IA sans prendre de risques ? Une machine peut-elle réellement remplacer le jugement humain sans engendrer de nouveaux problèmes ?
Avec Diella, un nouveau chapitre s’ouvre. Elle pourrait devenir un modèle… ou un avertissement. En attendant, Tirana innove. Et le monde observe.
Clemy