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Pouvoir, fortune et mise en scène : les Bongo face à la justice

Dans les ruelles de Libreville comme sur les écrans des smartphones, un vent étrange souffle depuis quelques semaines. La famille Bongo, jadis symbole du pouvoir absolu, ne se montre plus sous les dorures de l’État, mais dans les habits froissés de la victime.

Vidéos, messages calibrés, émotions soigneusement dosées, une campagne numérique s’est mise en marche, orchestrée avec une précision de stratège. Le ton est grave, les mots choisis. L’objectif est d’attendrir, convaincre, réécrire le récit avant qu’il ne s’écrive au tribunal.

Sur les réseaux, Noureddin Bongo se fait conteur de sa propre cause. Dans ses vidéos, reprises et relayées par des soutiens fidèles, il se met en scène, victime d’un système qu’il a longtemps servi.

Mais derrière cette narration millimétrée, une question dérange. Que devient le secret de l’instruction quand l’accusé se transforme en réalisateur de sa propre défense ?

Filmer sans autorisation, exposer des pièces d’enquête, invoquer la justice tout en la défiant, autant de gestes qui sapent les fondements mêmes de l’État de droit. Et qui, rappelons-le, sont punis par la loi.

Face caméra, Ali Bongo, son épouse Sylvia et leur fils Noureddin s’indignent, dénoncent l’injustice, se disent humiliés, bafoués. Ironie amère , ces mots résonnent aujourd’hui comme un écho lointain de ceux que le peuple gabonais murmurait depuis des décennies quand le régime Bongo, tout-puissant, ne voulait pas entendre sa douleur.

Derrière cette offensive médiatique se lit une stratégie connue, inverser les rôles, brouiller les repères, transformer l’accusation en persécution. Une manœuvre politique plus qu’un cri du cœur.

Pendant que les caméras tournent, les faits, eux, demeurent. Le procès Nourredine et Sylvia Bongo approche, et avec lui, un moment de vérité.

Détournement de fonds, corruption, blanchiment, usage de faux. Des accusations lourdes, que n’effaceront ni la mise en scène ni les Cris encore moins les larmes numériques.

À l’époque des Bongo, le Gabon a vécu sous un régime où le pouvoir se confondait avec la richesse. Le pétrole coulait, mais la prospérité ne débordait jamais jusqu’au peuple.

Aujourd’hui encore, un tiers des Gabonais vit dans la pauvreté, tandis que les comptes du clan Bongo affichent une fortune vertigineuse. Plus de 3 500 milliards de FCFA auraient été identifiés sur les comptes d’Ali Bongo. Une somme qu’aucun salaire, ni même l’héritage, ne peut justifier.

Dans ce contexte, la crédibilité ne se décrète pas, elle se mérite. On ne se découvre pas victime après avoir régné en maître. La repentance exige humilité, pas stratégie.

Mais le pays, lui, a changé. Le peuple gabonais, mieux informé, plus lucide, ne se laisse plus berner par les images. Il observe, il juge, il réclame des comptes.

Le nouveau pouvoir, né d’une rupture avec l’ancien système, porte les espoirs d’une nation qui veut en finir avec l’impunité.

Bientôt viendra le procès. Il ne sera pas seulement celui d’une famille, mais celui d’un demi-siècle de dérives et de silences. Pour le Gabon, ce sera un acte de vérité, un pas décisif vers la justice et la mémoire collective.

Et si, aujourd’hui encore, la manipulation tente de maquiller la réalité, le peuple, lui, avance les yeux ouverts. Son combat n’est plus seulement politique c’est celui de la vérité contre le mensonge, de la dignité contre la mise en scène.

Edouard Dure

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