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Émigration Gabon/ venus d’ailleurs!

Nord ou Sud, Etats Unis ou vieille Europe, elle interroge, elle dérange, alimente les déclarations politiques autant que les fantasmes sociétaux. L’émigration. Jamais la problématique n’a occupé une telle place. Et les populistes ne se privent pas d’en faire pour partie leur programme. A voir les décisions de Donald Trump et les intentions affichées par Geert Wilders ou Marine Le Pen. La crise économique en fond de toile, l’angoisse liée aux menaces terroristes ne fait donc qu’augmenter la crispation. Et l’Afrique n’y échappe pas. Alors qu’en est-il du Gabon ? Comment vivons-nous la présence des étrangers ? Terre d’accueil ou espace de plus en plus réduit ?

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On a longtemps entretenu une image de terre d’accueil. Celle d’un pays, les bras grands ouverts, sensible aux problèmes de ses voisins. Et à de nombreuses reprises, le Gabon a su ouvrir ses frontières, pour mémoire la crise biafraise, le drame rwandais, la guerre au Congo Brazzaville… Il n’empêche qu’en février 1995 déjà, ses responsables politiques s’interrogeaient sur le nombre croissant d’étrangers. On comptait alors entre 100 et 150 000 personnes sur le territoire. Une volonté de régulariser ce flux avait provoqué le départ de 55 000 et une régularisation des titres de séjour pour 15 000 autres. L’opération, orchestrée par le général Ngari, ministre de la Défense, avait été jugée comme un « succès ». La journaliste française Marie Colson (Libération) n’en remarquait pas moins que « cette mesure de contrôle de l’immigration (caresse) dans le sens du poil les Gabonais, qui se (plaignent) de la montée du chômage et de l’insécurité. » Les réactions seront diverses. Plusieurs associations s’élevant contre, tandis que l’ambassade des Etats exprimait sa «compréhension» au président Omar Bongo.

« On est arrivé, il y a plus de dix ans, et on se connaît tous. Cette nuit, ils ont tout pillé. Comment on va faire demain pour se parler ? »

Alors qu’en était-il une quinzaine d’années plus tard ? Même si l’on ignore le nombre exact d’étrangers sur le sol gabonais, en l’absence de statistiques communiquées, on  l’estime à 750 000, soit entre 35 et 45% de la population. A peine 200 000 disposent d’un titre de séjour. Il s’agit évidemment d’une estimation, mais elle alimente bien sûr les frustrations des nationaux, d’autant que la situation économique a beaucoup pâti de la conjoncture internationale.  La société, dans ses couches les plus populaires, pourrait considérer ces étrangers comme directement « responsables » des problèmes d’emploi. Pour Mohamed qui conduit depuis dix ans un taxi sur la capitale, le regard a changé ces dernières années. Il constate une tension croissante entre les clients et les conducteurs. « Certains n’hésitent pas à nous dire de rentrer chez nous, qu’on est des profiteurs. » Même chose pour Demba, qui tient une épicerie au quartier, qui a vu son commerce incendié lors des événements postélectoraux. « On est arrivé, il y a plus de dix ans, et on se connaît tous ici. Cette nuit, ils ont pillé. Comment on va faire demain pour se parler ? » La phrase d’Omar Bongo selon laquelle « un étranger vous apporte sa force de travail, apportez lui votre amitié en retour. » ne serait-elle donc plus de mise ?

Dans son livre Un silure dans la nasse, publié en juin 2015,  Patrick Mouguiama-Daouda, enseignant à l’université Omar-Bongo, se montrait inquiet de cette « rhétorique xénophobe et des attitudes discriminantes qui se développent ». Effectivement aucune strate de la société n’échappait à cette vindicte. Pour ne citer que le rejet béninois bien connu. La question liée à  la libre circulation au sein de l’espace Cemac (à laquelle le chef de l’État est favorable) ne pouvait donc que faire débat.

De la difficulté à accepter la libre circulation des personnes

En mai 2015, le 12ème Sommet de la CEMAC, tenu à Libreville, entendait donner un coup d’accélérateur à ce dispositif. Sept ans après son adoption, il continuait de piétiner. Principales raisons évoquées, l’invasion démographique, la spoliation économique ou encore la délinquance. On pouvait donc voir comme une réelle avancée le fait que «  les ressortissants des pays de la CEMAC (soient) autorisés à circuler sans visa, à l’intérieur du territoire communautaire, munis soit de la carte d’identité biométrique, soit du passeport biométrique, soit du passeport CEMAC biométrique homologué », selon le communiqué final. Ceci dit, début 2017, la décision restait encore diversement appliquée. Lors du 13ème Sommet des chefs d’état, tenu à Djibloho (Guinée-équatoriale), février dernier, seuls quatre pays (Cameroun, Tchad, Congo et République Centre-africaine) observaient le principe de la libre circulation.  Il aura fallu attendre cette rencontre pour que le Gabon et la Guinée-équatoriale les rejoignent enfin. La Cémac a donc trouvé une issue. Mais qu’en sera-t-il des autres pays africains, notamment de l’ouest, Togo, Bénin ou Côte d’Ivoire ?

« De telles contre-vérités  qu’une injure grossière pour ce pays. »

Pour l’épicier malien, le commerçant mauritanien, le taxi ivoirien, l’inquiétude n’a donc pas disparu. D’autant que certains politiques entretiennent à loisir les fantasmes. Pour ne citer que cette responsable de parti, laquelle s’interrogeait sur les raisons de l’inimitié : « Ils n’investissent pas chez nous, n’ouvrent pas de comptes bancaires, rapatrient tout leur argent et ne se mêlent pas aux nationaux. Pourquoi devrions-nous les aimer… ». On n’est guère éloigné des propos tenus par les candidats Le Pen ou Trump. Mêmes mots, mêmes boucs émissaires. Et pourtant dans une tourmente annoncée, nombre d’intellectuels s’empressent de dénoncer cette interprétation des faits. Pour ne citer que Guy Rossatanga-Rignaut dans une tribune à Jeune Afrique : « Cette terre qui accueillit Albert Schweitzer, Cheikh Amadou Bamba et Samory Touré restera fidèle à sa tradition, en s’ouvrant à tous ceux qui témoignent d’une réelle passion pour elle et d’une sincère fraternité pour ses enfants. » On aimerait à le croire. Professeur titulaire de linguistique à l’Université Omar Bongo et Commissaire général du Centre national de la recherche scientifique et technologique (CENAREST), allait dans le même sens et voyait dans « de telles contre-vérités  qu’une injure grossière pour ce pays. »

Qu’un débat soit enfin mené

Mais ce sentiment peut trouver des explications plus anciennes. Au contraire de ses voisins de la sous-région, le Gabon a toujours montré de la réticence à intégrer l’Afrique équatoriale française (AEF). Pour Clotaire Messi Me Nang, maître-assistant en histoire à l’UOB, le Gabon a toujours craint de n’obtenir des retours à la hauteur de ses investissements.  A la veille des Indépendances, le sentiment était toujours aussi vivace. Et il sera perçu par ses voisins comme une volonté de jouer « en solitaire ». De là à parler de xénophobie… Le « Gabon d’abord », leitmotiv cher au président Léon Mba, ne se traduit pas de façon similaire, de part et d’autre des frontières. Ajoutez à cela différents incidents sportifs, des altercations diplomatiques, l’expulsion des 12 000 ressortissants béninois en 1978, et vous trouverez pour partie une possible explication au phénomène.  En même temps, souligne l’universitaire, « les mariages sont de plus en plus nombreux entre les Gabonais et les étrangers. » Une intégration qui fonctionne d’autant mieux que « les modalités de naturalisation demeurent particulièrement avantageuses ».

Il est donc grand temps de voir un débat national s’engager.  A défaut de quoi, comme le dit Patrick Mouguiama-Daouda: «N’y a-t-il pas là les germes de la destruction de la société gabonaise, instillées par une vision irresponsable et colonialiste de l’Afrique ? » Comme toutes les sociétés, celle du Gabon traverse une crise, sociologique autant que politique. Il y a donc des comportements à bannir, des qualificatifs à oublier… et des lois sur le racisme et la xénophobie à promulguer. Cette responsabilité doit être prise. Aux politiques en somme de s’impliquer sans plus tarder.


« Un étranger vous apporte sa force de travail, apportez lui votre amitié en retour. » Omar Bongo Ondimba

R.C

Ein beispiel hierfür ist der bergpieper, der in wie schreibe ich eine bachelorarbeit den hochlagen der alpen brütet, über den winter aber in die nahe gelegene talstufe ausweicht

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