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Constant Oyono « Le président du Sénat doit entrer en fonction »

Dans son bureau, des livres bien sûr, mais aussi des portraits du Chef de l’Etat Ali Bongo Ondimba et d’autres illustres personnalités. Constant Oyono (52 ans), enseignant, écrivain et chef d’entreprise est le Président Directeur Fondateur de l’Institut des Hautes Études de Management (IHEM), l’un des rares établissements de formation d’excellence Gabonais. Mais le grand public le connaît surtout pour ses œuvres caritatives en faveur de la jeunesse. Plongé dans la piscine politique à l’occasion des dernières élections législatives, l’homme d’affaires accompli , a lors d’un entretien accordé aux médias le 28 novembre 2018, présenté un essai d’analyse sur la situation politique actuelle du Gabon. Une libre pensée républicaine des enjeux de l’heure. Parfois un peu trop général, son propos tout en franchise et en conviction ne cède en tout cas ni à la langue de bois ni au copinage. Ce nouveau venu en politique donne son avis sur quelques questions essentielles.

 
« Dans le cadre du débat actuel autour de la dernière décision de la Haute Juridiction et concernant la vacance de la Présidence de la République, je pense que la Cour Constitutionnelle du Gabon semble tout confondre. Certes l’article 83 de la Constitution gabonaise fait de la Cour Constitutionnelle, le juge de la Constitutionnalité des Lois en ce qu’elle peut juger et produire des décisions quand cela est nécessaire, d’une part, et interpréter certaines dispositions de la Constitution sur saisine, d’autre part, mais  en ce qui concerne la dernière décision sur la vacance de la première institution du pays, la Cour Constitutionnelle devait se contenter a mon humble avis, de produire un avis, et non tenter de modifier la CONSTITUTION, l’article 116 étant suffisamment clair là dessus. Et la communication de la Cour Constitutionnelle, incohérente à mon sens, n’a pas été pour arranger les choses : pour elle, tantôt « la modification est provisoire », tantôt « la Cour le fait souvent » et donc viole souvent la Constitution même si, en définitive, elle ne doit pas le faire. « C’est en ces termes que Constant Oyono a donné le ton.

LA COUR CONSTITUTIONNELLE DU GABON À LA CROISÉE DES CHEMINS ? De l’interprétation de la Loi par la Cour Constitutionnelle.

C.O : La Cour Constitutionnelle du Gabon aura donc rendu une décision sur saisine du premier ministre aux fins d’interprétation des articles 13 et 16 de notre Constitution portant sur les conditions de vacance du pouvoir et l’incapacité actuelle du Président de la République, Chef de l’Etat, son Excellence Ali Bongo Ondimba, à assumer pleinement les fonctions régaliennes qui sont les siennes.
Cette consultation ou demande d’interprétation du premier ministre qui aurait dû déboucher, sur un avis motivé de la Haute Juridiction, a abouti sur une décision, fusse telle provisoire selon la Cour, sans attendre le texte qui aurait dû être déposé sur la table du Parlement par le gouvernement sous forme de projet de modification de la Constitution.
La procédure et l’esprit de la Loi semblent avoir été ici ignorés complètement par la protectrice de la Constitution, mère des Lois, causant une entorse suicidaire au respect du fonctionnement régulier des institutions de la République.

DE LA RÉGULATION DES INSTITUTIONS PAR LA COUR CONSTITUTIONNELLE

« En effet, la Cour Constitutionnelle du 1Gabon est la gardienne juridique de la Constitution, et le Président de la République en est le gardien politique et donc, garant de toutes les institutions. Ici, nous voyons bien que la Cour Constitutionnelle, présidée par Madame Marie Madeleine Mborantsuo, joue un rôle déterminant dans le dispositif institutionnel du Gabon. Mais cela donne t-il le droit à la Haute Instance de décider en lieu et place des pouvoirs exécutif et législatif ?

La Cour Constitutionnelle est chargée de la régulation des institutions de l’Etat au titre de la Loi constitutionnelle et de sa Loi organique. Mais à mon sens, elle ne peut pas et ne doit pas du tout les remplacer. Ici, la notion juridique de régulation implique de veiller au respect de la Constitution et donc, de veiller au respect du fonctionnement régulier des institutions de la République selon la lettre et l’esprit de la Loi Fondamentale et il serait imprescriptible ici, je crois, d’invoquer la fonction législative du Juge.
Notre Constitution est suffisamment limpide et claire comme de l’eau de Roche là dessus en son article 13 qui stipule :…en cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit... (Ici, l’expression pour quelque cause que ce soit, ferme la porte aux lectures orientées et partisanes et donc aux antipodes du droit et de la rationalité). La vacance de la Présidence de la République est déjà ici constatée pour cause médico-sanitaire du Président Ali Bongo Ondimba. Et le communiqué du porte parole de cette institution, suivi de celui du porte parole du gouvernement concernant l’état de santé du Chef de l’Etat, appuyé en cela par la décision de la Cour Constitutionnelle confirme cette démarche. »

« De ce fait, n’y a t’il pas sortie de piste et dérive institutionnelle de la Cour Constitutionnelle lorsque celle-ci tente de justifier l’injustifiable en faisant valoir, sans le dire, « le cas de force majeure » comme règle principale de travail ? Dans tous les cas, entre interprétation de la Loi, régulation du fonctionnement des institutions et évocation « du cas de force majeure » pour s’auto saisir et modifier la Loi Fondamentale, La Cour Constitutionnelle du Gabon semblerait être à la croisée des chemins de sa crédibilité et de son existence. »

LA CONSTITUTION GABONAISE SERAIT-ELLE UNE AUBERGE ESPAGNOLE ?

C.O : En sautant, pieds joints, l’alinéa 1er de l’article 13, qui montre pourtant qu’il n’y a ni vide juridique , ni silence de la Loi à ce niveau, la Cour Constitutionnelle du Gabon fait une interprétation sélective de la Loi et refuse d’admettre qu’il y a actuellement au Gabon cas de vacance temporaire de la présidence de la République et donc cas de vacance provisoire de la première institution du pays pour cause de maladie grave de son titulaire. Le reste ne relève que du dilatoire. La gardienne du temple, semble t-il, refuse d’admettre l’évidence.

Mais, prenons-y garde, la Constitution ne se doit pas d’être une auberge espagnole où l’on prend ce qu’on désire y prendre et où l’on rejette ce qui ne nous arrange pas.

Notons ici, la différence notoire entre les deux notions : la vacance définitive de la présidence de la république selon notre Constitution, conduit à un scrutin présidentiel anticipé après un temps de préparation, tandis-que la vacance provisoire ou temporaire de la première institution du Gabon, ne débouche pas sur une élection présidentielle anticipée. Dans les deux cas, le président du Sénat doit être mis à contribution si tant est que « LE POUVOIR ARRÊTE LE POUVOIR «  et que le président du Sénat Lucie Milebou Mboussou devrait prendre ses responsabilités et revendiquer son droit au nom de la souveraineté républicaine.

Autrement dit, qu’il y’ait vacance provisoire de la présidence de la République pour incapacité notoire ou cause de maladie grave déclarée de son titulaire comme c’est la cas, ou vacance définitive pour cause de décès, c’est le président du Sénat qui devrait prendre le relais et assurer la vacance du pouvoir avec incidence de signature (exemple la signature des décrets présidentiels ) conformément à la Constitution, et non le vice-président de la République, monsieur Maganga Moussavou, ou le premier ministre Emmanuel Issozet Ngondet.

« A mon sens, le premier ministre et la Cour Constitutionnelle, par respect pour les institutions républicaines, devraient permettre au président du Sénat d’entrer en fonction et de jouer le rôle qui est le sien en pareille circonstance selon la même disposition (article 13) en son alinéa dernier, sans autre forme d’initiative, pour le bien de notre pays, pour la dignité et la crédibilité collective des gabonais. »

Que Dieu bénisse le Gabon et ses citoyens ont été le mot de fin de cet entretien accordé par Constant Oyono, au moment où le président de la république poursuit sa convalescence au Maroc.

Pour de nombreux observateurs, le Gabon devrait apprendre de ses erreurs. Et, à long terme, il n’a d’autre choix que d’inverser la tendance car son avenir réside dans la prise en compte réelle des préoccupations de son peuple.

La rédaction

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