Le Gabon vient de tenir les assises sur la vie chère. Au contact de la réalité, Francis Jean Jacques EVOUNA, Chef d’Entreprise, Président du Conseil Gabonais du Patronat (CGP) nous donne sa réaction relativement à cette situation qui préoccupe les Gabonais dans leur quotidien. Le point..
Ginews : Monsieur le Président, la vie chère est une réalité au Gabon et les populations n’en peuvent plus de cette situation. L’ampleur de ce phénomène a poussé le Gouvernement à organiser des assises à ce sujet. A votre avis comment en sortir ?
Francis Jean Jacques EVOUNA : Merci de vous rapprocher de ma modeste personne chaque fois que vous le jugez nécessaire pour essayer d’obtenir une simple opinion de citoyen qui participe à son petit niveau à l’édification de notre maison commune le Gabon. Cette question de la vie chère est non seulement d’actualité et très importante mais surtout une préoccupation majeure pour les populations gabonaises car elle touche notre vie quotidienne. La Cherté de la vie ou encore plus simplement la vie chère est un phénomène mondial, multifactoriel avec des problèmes structurels et de plus en plus conjoncturels consécutives à des changements de systèmes de production et de consommation. Disons que sur le plan structurel, nous sommes plus une société de consommation que de production des biens et services vitaux. Plus simplement, nous importons plus ce que nous mangeons que ce que nous fabriquons ou produisons. La vie chère gangrène tous les secteurs d’activité, c’est donc une réalité évidente. Partant des produits alimentaires aux vêtements, les prix flambent et les populations grognent. Comment s’en sortir me demandez-vous ? Je peux vous dire que le Gouvernement qui est le régulateur de l’économie, doit pouvoir arrêter une série de mesures, donc le but serait de préserver le pouvoir d’achat des populations.
Monsieur le Président, comment pensez-vous que notre pays pourrait résoudre ce phénomène, et quels types de mesures le Gouvernement peut-il prendre ?
Avant de vous évoquer ces éventuelles mesures, le Gouvernement, doit être soucieux de préserver le pouvoir d’achat des populations, à contenir les prix des produits pétroliers, malgré la forte hausse des cours internationaux de brut, avec notamment, un gel de prix du gasoil. Il doit ainsi conduire des discussions inlassables avec les filières concernées. Ainsi le Gouvernement doit pouvoir décidé de la subvention partielle des prix des produits pétroliers, notamment le gasoil, pour éviter l’impact sur le coût de la vie, pour un montant d’environ 80 milliards, de janvier à Juin 2023 ; Le plafonnement sur une période de six (6) mois, des prix de l’huile de palme raffinée, du sucre, du lait, du riz, de la tomate concentrée, de la viande de bœuf et des pâtes alimentaires ; L’élargissement de la liste des produits de grande consommation et services, dont les prix sont réglementés c’est-à-dire les 48 produits listés dans la mercuriale en cours actuellement. Je voudrais exhorter le gouvernement, toujours au titre des mesures, à décider de l’instauration du principe de l’information préalable et de concertation, avant toute augmentation de prix des denrées de grande consommation, pour une période de douze (12) mois ; La soumission à autorisation des exportations de produits vivriers de grande consommation, notamment la banane plantain, le manioc et dérivés, l’igname, le riz local ; afin de garantir la desserte des marchés intérieurs.
Président, les caisses de l’Etat sont apparemment vides au regard du constat que le Gabonais lambda fait, et vous envisagez de nouvelles subventions de ce même Etat, Comment le comprendre ?
A mon humble avis puisque c’est une question de fond que vous posez, le Gouvernement n’a pas le choix de faire autrement s’il tient à régler un tant soit peu ce phénomène de la vie chère. Il est d’ailleurs judicieux voire utile de prévoir l’allocation d’un appui financier aux acteurs du vivrier, afin de faciliter l’approvisionnement des marchés ; Le démantèlement immédiat des barrages routiers illégaux favorisant la parafiscalité et informer immédiatement les acteurs économiques et les populations sur les barrages réguliers. Je fais ces suggestions car je ne sais pas ce que les assises ont recommandée car je n’étais pas à celles-ci, il est peut-être possible que certaines de mes propositions à l’endroit du Gouvernement aient été faites. Evidemment, l’on saura un peu plus dès que le rapport serait rendu publique. Cependant pour moi, je continue de croire que le Gouvernement doit décider d’intensifier la communication, en vue d’informer les consommateurs gabonais sur la formation des prix et ceux pratiqués, la disponibilité des produits de grande consommation et l’évolution des cours des produits et intrants sur le marché international ; Il devrait être arrêté le renforcement de la surveillance du respect de l’affichage et des prix des produits réglementés. Toujours au titre des propositions, Le Gouvernement devrait être résolu et déterminé à préserver le pouvoir d’achat des populations encore une fois et doit décider de maintenir la veille et poursuivre la concertation avec l’ensemble des acteurs, pour la mise en œuvre des mesures arrêtées. Le gouvernement doit prendre les dispositions nécessaires pour renforcer l’offre nationale de produits vivriers et de protéines animales et halieutiques, afin de préserver le pouvoir d’achat des populations. Il importe de mettre en place un Observatoire Indépendant de la vie chère qui pourrait expliciter chaque fois que nécessaire l’analyse des facteurs explicatifs de la hausse des denrées dès qu’elle est constatée. La cherté de la vie a atteint les différents pays à des degrés divers. Cette diversité est explicable, d’une part, par la différence, dans chaque pays, des conditions de production et de trafic ; d’autre part, par l’intervention de la législation et de l’administration gouvernementales. Il y a naturellement des composants essentiels tels que les semi-conducteurs qui peuvent brusquement être en rupture de stock. Lorsque les entreprises ne parviennent pas à suivre le rythme auquel les consommateurs souhaiteraient effectuer des achats, les prix augmentent. C’est ce que les économistes désignent sous le nom de « loi de l’offre et de la demande ». Il y a également le phénomène d‘inflation qui est la perte du pouvoir d’achat de la monnaie qui se traduit par une augmentation générale et durable des prix. Elle correspond à une augmentation générale des prix des biens et services dans une économie par exemple nationale. Lorsque le niveau général des prix augmente, une quantité donnée de monnaie permet d’acheter moins de biens et services. Ce phénomène, une fois installé, peut devenir persistant
Toutes ces propositions que vous faites ne font-elles pas intervenir le dispositif légal ou règlementaire ?
Bien entendu qu’il faudrait réformer et c’est au Gouvernement de juger de l’opportunité de réformer ou non. Or, La réforme qui sous-tende les propositions que je fais ont ainsi pour objectif d’améliorer la chaîne de formation des prix et non pas seulement de réglementer le résultat final. Il s’agit de changer d’approche en passant d’une régulation aval des prix à une régulation amont des marchés de gros et de la chaîne logistique, pour recréer les conditions d’une véritable concurrence sur les marchés de détail. Ce mode de régulation, doit être conforme au droit applicable dans notre pays, pour inciter efficacement les opérateurs économiques à s’inscrire dans un fonctionnement concurrentiel des marchés favorable au consommateur. La modification du cadre législatif applicable en la matière est un préalable indispensable à ce changement de paradigme, la loi actuelle ne permettant pas aux pouvoirs publics d’intervenir efficacement en amont sur la chaîne de formation des prix. Cette nouvelle approche implique une analyse précise des marchés afin d’adapter l’action administrative aux réalités du terrain : secteur par secteur sans a priori et sans chercher à appliquer des solutions uniformes. Ces choix de méthode, une réforme législative limitée à la création d’outils et une appréhension plus précise des réalités des marchés, montrent que l’objectif n’est pas de corseter l’activité économique du pays par une accumulation de textes. Il s’agit plutôt de cibler l’action publique, au bénéfice des consommateurs, sur le rétablissement de mécanismes économiques qui ont cessé de fonctionner.
Monsieur le Président ! votre mot de fin !
Je voudrais terminer en disant que le phénomène de la Cherté de la vie ou simplement la vie chère est très complexe d’autant qu’il associe, aussi bien la variation du prix des aliments, des loyers, des salaires que des questions liées aux droits douaniers et en général à la politique commerciale. Il est urgent pour le gouvernement de prendre ses responsabilités afin de ne pas abandonner les citoyens à leur sort. Il faut pouvoir réformer la fiscalité, revisiter les facteurs de coûts et mieux combattre l’inflation. Je vous remercie.
La rédaction