L’Américain Justin Gatlin a décroché le titre de champion du monde du 100 mètres en battant samedi soir à Londres le Jamaïcain Usain Bolt, octuple champion olympique, seulement 3ème pour le dernier 100 m de sa carrière.
La superstar du sprint Usain Bolt a raté ses adieux avec le 100 mètres en étant privé d’un ultime titre mondial par Justin Gatlin, revenu d’une suspension de quatre ans pour dopage et sacré sous les quolibets du public. Le monument de l’athlétisme, seulement 3ème derrière Gatlin (9 sec 92) et l’Américain Christian Coleman (9 sec 94) dans un chrono de 9 sec 95, a donc vu la grande fête promise gâchée par un coureur au passé sulfureux, qui ajoute à son casier un crime de lèse-majesté dans l’enceinte surchauffée du stade olympique. Le Jamaïcain de 30 ans jouait sa réputation, celle d’un athlète hors du commun ayant marqué l’histoire de son sport. Il savait qu’un revers pour sa dernière apparition sur la ligne droite aurait forcément fait tache. Le coup de grâce est arrivé par la faute de Gatlin, que personne souhaitait secrètement voir revenir au sommet. «Je suis resté très concentré, après tout ça j’ai réussi à gagner, c’est incroyable, Usain a tellement apporté à notre sport, il nous a tellement inspirés, et d’être ici à ce moment de ma carrière c’est énorme. Est-ce que je mérite ces huées, ce n’est pas à moi de le dire», a lâché Gatlin.
Le monde de l’athlétisme aurait voulu un autre passage de témoin au moment où sa plus grande vedette, au CV propre et sans le moindre soupçon, a décidé de raccrocher les pointes. Le contraste était d’ailleurs saisissant entre le bain de foule auquel a eu droit Bolt et la sortie presque en catimini et sous les sifflets de Gatlin, qui a mis fin à une invincibilité de 9 ans du Jamaïcain en grande compétition. Auteur d’un départ médiocre, l’octuple champion olympique n’a jamais vraiment maîtrisé la course et son retour a été trop tardif pour empêcher Gatlin de l’emporter de peu. L’homme le plus rapide du monde (9 sec 58 sur 100 m, 19 sec 19) craignait pour sa mise en action, après avoir pesté contre des starting-blocks pas assez fermes à son goût, la veille à l’issue des séries. Il n’a pas eu à trouver d’excuses après cet échec cruel mais finalement logique au vu de sa forme.
Les craintes nées après son début de saison poussif (trois petites sorties seulement et un seule passage sous les 10 secondes), plus en forme de tournée d’adieux que d’une vraie préparation, se sont ainsi vérifiées au pire moment. Le Roi est donc tombé mais ce régicide n’a pas altéré le sourire éternel de celui qui restera, quoi qu’il en soit, le plus grand sprinteur de tous les temps. Bolt n’est plus celui qui écrasait tout sur son passage avec des chronos venus d’ailleurs mais ce dénouement a finalement des allures de soulagement pour un sportif qui a dédié sa vie à son sport dès le plus jeune âge. «Je suis désolé de ne pas avoir pu terminer sur une victoire, mais je vous remercie pour votre soutien», a lancé à la foule celui qui a tout de même été le héros de la soirée, même dans la défaite, et qui, beau joueur, a offert une accolade de bonne grâce à son bourreau.
Même dans la tristesse, Bolt a fait son show, prenant des selfies avec le public, drapé du drapeau jamaïcain, et exécutant son fameux geste de l’éclair à satiété, pour le plus grand bonheur du public londonien. La légende du sprint a sorti sa panoplie pour communier une dernière fois avec les spectateurs. Avant la retraite dorée qui l’attend, Bolt a prévu un ultime récital sur le relais 4×100 m dont la finale aura lieu le 12 août. Nul doute qu’il aura à cœur de quitter définitivement la scène sur un dernier sacre. Pour rester fidèle à sa légende.
La rédaction